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  • Le bonhomme Misère

    Extrait du livre de Henry Carnoy << Les contes de Picardie>>

    LE BONHOMME MISERE ET SON CHIEN PAUVRETE

    Au carrefour de deux chemins restait, il y a longtemps, bien longtemps, un pauvre forgeron qui vivait tant bien que mal, un jour suivant l'autre, des quelques sous qu'il gagnait à ferrer les chevaux, les mulets et les ânes des voyageurs qui passaient devant sa porte. Il était si malheureux qu'on l'avait nommé bonhomme Misère. Son chien, qui partageait sa mauvaise fortune, avait été appelé Pauvreté. Misère et Pauvreté vivaient bons amis, comme il sied à des malheureux, et si l'on ne pouvait voir Misère sans que Pauvreté suivît, de même quand Pauvreté passait on pouvait se dire : Misère suit.
    Pauvreté et Misère en étaient donc là quand un beau jour le bon Dieu et saint Pierre vinrent frapper de bon matin à leur porte. Pauvreté aboya, Misère se réveilla et ouvrit en grommelant aux voyageurs si matineux.
     ---Bonhomme Misère, dit saint Pierre, mon maître que tu vois désire que tu lui ferres son âne. En auras-tu pour longtemps ?

     ---Vous venez bien matin, notre maître, mais qu'importe. Vous m'avez l'air de pauvres diables, bonnes gens au fond, et je suis tout à votre service. J'aurai bientôt fait.

    Le bonhomme Misère alluma son charbon, souffla le feu et ferra l'âne en une petite demi heure.
     ---Voilà qui est fait, notre maître!
     ---C'est bien, dit le bon Dieu. Combien te dois-je ?
     ---Je vous ai dit que vous me paraissiez être de pauvres diables - sauf votre respect, mon maître!- et je ne vous demanderai rien.
     --- Rien, c'est trop peu.
     ---Non, allez. Je ne veux accepter que votre bénédiction.
     ---En ce cas, je veux te récompenser d'une autre façon. Je suis le bon Dieu et mon domestique n'est autre que saint Pierre. Je veux accomplir trois de tes souhaits. Choisis.

    Le bonhomme Misère se gratta l'oreille, puis les cheveux, cherchant bien ce qu'il devait demander au bon Dieu.
     ---Demande d'abord le Paradis ! lui souffla saint Pierre.
     ---Laisse donc ! laisse donc !... Voyons , je demande que..... tout ce qui s'assoira dans mon fauteuil ne puisse en sortir sans ma permission.
     ---Voici qui n'est pas difficile. Accordé. Voyons ton deuxième souhait.
     ---Demande donc le Paradis ! murmura saint Pierre.
    Le bonhomme Misère se gratta encore l'oreille, puis les cheveux.
     ---Mon deuxième souhait est celui-ci : je désire que celui ou ceux qui monteront sur mon noyer ne puissent en descendre sans ma permission.
     ---C'est bien simple encore. Accordé. A ton dernier souhait.
     ---Imbécile, n'oublie pas le Paradis ! s'écria le saint, portier du Paradis.
    Mais, sans s'en inquiéter, le forgeron continua :
     ---Pour mon dernier souhait , je demande que tout ce qui entrera dans ma bourse ne puisse en sortir sans ma permission.
     ---Décidément il te faut peu de chose pour te contenter. Je t'accorde tout cela. Fais-en bon usage et au revoir.
     ---Au revoir, au revoir, monsieur le bon Dieu !
     ---Triple idiot, tu t'en repentiras ! ajouta saint Pierre en aparté.
    Le bon Dieu remonta sur son âne, le saint pris le baudet par la bride et ils s'éloignèrent.

       A SUIVRE